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Eglise, vérité et humanité
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27 février 2018

L'EGLISE A-T-ELLE AUTORISE L'ESCLAVAGE ?

  C’est un combat occulté, mais l’Eglise est l’institution qui a le plus fait pour sortir l’humanité de l’esclavage

  L’esclavage a été un phénomène universel. Avant l’ère chrétienne, il est partout et massivement répandu.

 Face à cela, le christianisme a apporté un enseignement nouveau qui va avoir au cours des siècles un impact sur les cinq continents : l’homme est créé à l’image de Dieu et chaque être humain possède une dignité inaliénable. Saint Paul enseigne qu’ « il n’y a plus ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme » 1Corinthiens 12,13 et Galates 3,27. Tout homme est appelé à être « fils de Dieu ». Le Concile de Nicée en 325 encourage l’abolition progressive de l’esclavage.

  Dès les débuts du christianisme, les baptisés pratiquent la libération des esclaves en masse. Sainte Mélanie la Jeune (385-439), héritière de l’une des plus grosses fortunes de l’Empire romain, libère d’un seul coup ses 8000 esclaves (Régine Pernoud, La Femme au temps des croisades, p.24). Sainte Bathilde (630-680), épouse de Clovis II, elle-même ancienne esclave, fait abolir l’esclavage (Yves Roucauste, Valeurs Actuelles du 29/09/2016). En 873, le Pape Jean VIII, par la bulle Unum Est, condamne leur commerce et parle d’un grand péché. Il commande aux esclavagistes de libérer les esclaves pour le salut de leur âme. Saint Henri II, empereur du Saint-Empire germanique, interdit en 1006 le dernier marché d’esclaves existant à Mecklembourg aux confins des pays slaves. Au Moyen-Age, l’Europe chrétienne est la seule civilisation à avoir fait disparaître cette forme barbare d’exploitation.

  Avec la Renaissance et le retour du Droit romain, un nouvel esclavage fait cependant son apparition. Il donnera au XVIème siècle la traite des noirs transatlantique par les européens. A cette époque,  l’Occident, à travers une partie de la noblesse et la bourgeoisie, commence à prendre ses distances avec le christianisme. L’Eglise intervient très tôt à propos de l’esclavage pratiqué en Afrique. Le pape Eugène IV, dans la bulle Sicut dudum de 1435, condamne sous peine d’excommunication l’esclavage pratiqué sur les indigènes des îles Canaries par les Portugais.

  Le 7/10/1492, au tout début de la traite négrière en Europe, Pie II dans la lettre Rubicensum adressée à l’évêque de Guinée portugaise condamne la traite des esclaves noirs et parle de l’esclavage comme d’un grand crime. Dans la bulle Pastor bonus, il menace d’excommunication ceux qui gardent prisonniers les esclaves qu’il s’agisse d’indigènes païens ou de convertis.

  Paul III, dans la bulle Sublimus Deus de 1537 proclamée de façon universelle, attribue à Satan la réduction à l’esclavage des peuples et affirme « que les dits Indiens et tous les autres peuples qui parviendraient à l’avenir à la connaissance des chrétiens, même s’ils vivent hors de la foi ou sont originaires d’autres contrées, peuvent librement et licitement user, posséder et jouir de la liberté et de la propriété de leurs biens et ne doivent pas être réduits en esclavage. »

  Signalons encore la bulle Commissum Nobis d’Urbain VIII en 1639 qui interdit strictement de priver les Indiens de leur liberté et de les garder comme esclaves, la lettre Immensa Pastorum de Benoît XIV en 1741 qui menace d’excommunication ceux qui réduisent les Indiens en esclavage, la lettre de Pie VII à Louis XVIII en 1814 : « La conscience religieuse condamne et réprouve le commerce ignoble des Noirs », une autre lettre de Pie VII au roi du Portugal en 1823 : « Le pape regrette que ce commerce des Noirs qu’il croyait avoir cessé soit encore exercé dans certaines régions », la bulle In supresso Apostolatus de Grégoire XVI en 1833 dénonce la traite des Noirs : « pratiques absolument indignes du nom de chrétien » et enfin la béatification par Pie IX en 1850 de Pierre Claver qui avait consacré sa vie à la défense des esclaves africains.

  Malgré tous ces textes, et la liste est loin d’être exhaustive, certaines personnes prétendent que l’Eglise a autorisé et même est responsable de l’esclavage des Noirs. Elles s’appuient pour cela sur les bulles du pape Nicolas V Dum diversas (1452) et Romanus pontifex (1455) adressées au roi du Portugal. En fait, il ne s’agit pas du tout d’une reconnaissance de l’esclavage, mais d’une réponse du pape à un problème de l’époque. Les bulles en question ne concernent pas les Noirs mais les Sarrazins qui combattent les chrétiens. En effet, l’Occident chrétien doit faire face à une formidable expansion de l’islam conquérant. A titre d’exemple, rappelons la prise de Constantinople en 1453. L’empire chrétien d’Orient s’écroule et c’est maintenant la partie occidentale qui est menacée. L’intention est de contenir l’expansion de l’islam qui se fait au détriment de la chrétienté. Ceux que le pape autorise à « réduire en servitude perpétuelle » face à leurs « excès sauvages » sont des ennemis militaires partis à la conquête de l’Europe. Il s’agit de prisonniers de guerre comme il y en a toujours eu dans l’histoire et non d’esclaves. A cela s’ajoute un problème de traduction du terme latin « ad dictum » qui signifie « aux ordres » et non « esclavage » ou « schiavitù » comme on le trouve dans certaines traductions françaises ou italiennes. Le mot « servitude » des traductions françaises transformé par certains en « esclavage » pourrait être une mauvaise traduction pour désigner le statut des prisonniers de guerre Sarrazins. En tout cas, il ne s’agit nullement de légitimer l’esclavage des Noirs.

    Par ailleurs, il est utile de savoir que ce sont les Noirs eux-mêmes qui ont institué la traite au sein de la société africaine, enrichissant les grands royaumes prédateurs d’Afrique de l’Ouest. Une seconde traite est apparue qui va s’étendre sur treize siècles, celle des négriers musulmans. Les Européens ne sont venus qu’en troisième. L’Occident est le dernier à s’y être mis et le premier aussi ensuite à l’avoir supprimée au bout de trois siècles.

  Les européens qui ont pratiqué l’esclavage ne l’ont pas fait pour des motifs chrétiens, mais pour des motifs de cupidité. En fait, ils ne sont pas chrétiens dans leur cœur. Tout au plus ce sont des chrétiens d’étiquette totalement en contradiction avec les enseignements du Christ et de l’Eglise. Il ne faut pas confondre l’humain et le chrétien. Ils agissent par une humanité dévoyée et non par la foi chrétienne. Certains les appellent chrétiens parce que ce sont des européens, mais, en fait, ils ont tourné le dos au christianisme. Peut-être se moquent-ils d’ailleurs de la foi chrétienne, peut-être sont-ils athées ?

  Dans une société chrétienne, tout le monde n’est pas réellement chrétien. Il y a forcément des chrétiens de façade. En ce sens, il y a des chrétiens tricheurs, des chrétiens infidèles à leur conjoint, des chrétiens voleurs, des chrétiens criminels, des « chrétiens » esclavagistes. Il y a eu des « chrétiens » communistes ou nazis. Mais tout cela n’a rien à voir avec le christianisme mais avec l’humanité, une humanité pécheresse et pour les deux derniers exemples avec des idéologies elles-mêmes condamnées par l’Eglise.

Stanislas GRYMASZEWSKI

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