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Eglise, vérité et humanité
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26 décembre 2019

EST-IL SOUHAITABLE QUE LA FONCTION DE SERVANTS D'AUTEL SOIT EXERCEE PAR DES JEUNES FILLES ?

 

 1/ Pourquoi cette question ?

Il est normal et utile que cette question soit posée car elle constitue parfois un sujet d’incompréhension et de division. Cette pratique est devenue habituelle dans certaines paroisses alors qu’elle est exclue en d’autres. Il semble également qu’il y ait une contradiction entre la pratique traditionnelle de l’Eglise et un texte de 1994 qui en admet pour la première fois la possibilité. S’agit-il d’un tournant et d’une porte ouverte dans laquelle il faut s’engager ou faut-il le comprendre autrement ? Quel est le sens exact de ce texte et quelle est donc aujourd’hui la volonté de l’Eglise ?

2/ Comment aborder cette question ?

Il importe de ne pas se laisser déterminer par sa propre sensibilité, par des préférences personnelles, par l’imitation de ce qui se fait ici ou là ou encore par l’air du temps mais par la recherche de la Volonté divine et par une attitude d’humble soumission à ce que l’Eglise demande. Il s’agit aussi de discerner ce qui est juste et bon en situant ce sujet par rapport au bien commun, par rapport à  certaines conséquences que cela peut entraîner à long terme, par rapport à l’éveil des vocations sacerdotales. Le souci de ce qui convient objectivement doit l’emporter sur ce qui peut plaire subjectivement.

3/ Quelle est la Tradition liturgique et canonique ?

Le texte le plus ancien dont nous disposons et qui s’y oppose est le canon 44 du Concile de Laodicée de 364. Dans l’Instruction Liturgicae instaurationes de 1970 de la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements, il est rappelé que « selon les règles traditionnelles de l’Eglise, il n’est pas permis aux femmes de servir le prêtre à l’autel. » Dans une autre Instruction, confirmée par Jean-Paul II, Inaestimabile donum de 1980, on lit également que « la fonction de l’acolyte -celui qui sert à l’autel-  n’est pas permise aux femmes ». Cette tradition issue des premiers siècles s’est maintenue tout au long de la période médiévale et de la période moderne jusqu’à nos jours en Occident comme en Orient.

4/ Cette tradition peut heurter la mentalité actuelle

Notre époque revendique l’égalité et la parité homme-femme dans tous les domaines. On accepte de moins en moins qu’il y ait une distinction entre les hommes et les femmes au sujet des fonctions à exercer. En France, par exemple, le gouvernement s’alarme qu’il y ait si peu de femmes à faire une carrière militaire ! Les différences sont perçues comme des discriminations. De fait, il devient difficile aujourd’hui de comprendre et d’accepter que le service de l’autel soit réservé aux garçons et aux hommes. Il est nécessaire pourtant de saisir pourquoi cela fait partie de la Tradition de l’Eglise. Il y a certainement une vérité et une sagesse d’inspiration divine contenues dans cette pratique et cela doit nous guider.

5/ Comprendre la Tradition

L’autel est le lieu où s’accomplit le Sacrifice, célébré par le prêtre, agissant en lieu et place du Christ. Or, l’acolyte (celui qui sert à l’autel) est dans la mouvance des ministères ordonnés (évêque, prêtre, diacre). Le ministère de l’acolytat concerne très précisément l’Eucharistie. Avec le prêtre, près de l’autel, l’acolyte est en avant de l’assemblée, à l’image du Christ, Pasteur et Epoux. Le ministre ordonné, assisté par des servants qui peuvent être des ministres institués, est la figure du Christ. Le véritable motif qui a écarté de façon constante les femmes de l’autel est le lien qui unit le ministère de l’acolytat au sacerdoce au point d’ailleurs d’en constituer une étape au séminaire. Le masculin est signe du Christ, signe du prêtre, signe du Berger et de l’Epoux, une symbolique que la femme ne peut pas représenter. Les servants d’autel, même s’il ne s’agit pas de ministres institués, participent par leur proximité à toute cette symbolique. Il convient donc que ceux qui entourent le célébrant soient eux aussi des garçons ou des hommes afin de ne pas rompre la dimension symbolique du ministère ordonné représenté par le genre masculin. L’absence des femmes du service de l’autel n’a donc rien à voir avec les vestiges d’une culture ou d’une mentalité archaïque où la femme aurait été considérée comme inférieure et indigne par rapport à l’homme pour exercer cette fonction.

6/ La règle qui réserve le service de l’autel aux garçons et aux hommes est-elle modifiée ?

On pourrait être tenté de le penser puisque la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements admet, dans une lettre adressée aux présidents des Conférences épiscopales (1994), que l’on puisse inclure le service de l’autel dans les fonctions liturgiques que les laïcs, hommes ou femmes, peuvent exercer. Il est cependant précisé qu’il y a des conditions à observer. Le document le plus récent sur ce sujet est le n° 47 de l’Instruction Redemptionis Sacramentum de 2004 : « Les filles ou les femmes peuvent être admises à ce service de l’autel, au jugement de l’évêque diocésain ; dans ce cas, il faut suivre les normes établies à ce sujet ».

En fait, il s’agit seulement d’une possibilité et non d’un encouragement et encore moins d’un droit des fidèles. Au plan juridique, ce n’est pas parce qu’une chose est possible en soi qu’elle est recommandée en fait. La lecture complète des rares documents de l’Eglise sur cette question manifeste qu’il y a des freins par rapport au changement et une préférence du magistère pour le maintien de la pratique traditionnelle. La lettre de 1994 l’indique : « Il sera toujours très opportun de suivre la noble tradition du service de l’autel confié à de jeunes garçons. On sait que ce service a permis un développement encourageant de vocations sacerdotales. L’obligation de continuer à favoriser l’existence de ces groupes d’enfants de chœur demeurera donc toujours ».

7/ Quelles sont ces conditions et ces normes à respecter indiquées dans le document de 1994 ?

a) La Conférence épiscopale doit d’abord donner un avis. Cet avis n’a pas été donné dans de nombreux pays dont la France.

b) L’évêque ne peut émettre un jugement prudentiel dans son diocèse qu’ « après avoir entendu l’avis de la Conférence épiscopale ». Cela n’a donc pas pu avoir lieu dans les diocèses français. Si l’évêque ne dit rien, c’est qu’il y a absence de jugement et donc d’autorisation explicite de sa part. La tolérance que nous constatons dans divers diocèses est interprétée par certaines personnes comme une autorisation de fait à l’admission des filles au service de l’autel. Cette position n’est cependant pas satisfaisante puisque l’Eglise sur ce sujet demande précisément autre chose qu’une simple autorisation de fait.

c) Un évêque qui ferait ce choix doit faire en sorte que « cela soit clairement expliqué aux fidèles à la lumière de la norme citée ». Il s’agit du canon 230 §2 du Code du droit canonique : « Les laïcs peuvent, en vertu d’une députation temporaire, exercer la fonction de lecteur dans les actions liturgiques ; de même, tous les laïcs peuvent exercer selon le droit,  les fonctions de commentateur, de chantre, ou encore d’autres fonctions ». Cela fait aussi défaut.

d) Les raisons qui pourraient amener un évêque à ce choix ne peuvent être que « des raisons déterminées selon les conditions locales ».  

e) Il ne pourra s’agir que « d’une députation temporaire » … « sans qu’il s’agisse d’un droit à exercer ».

f) « Le canon 230 §2 a un caractère d’autorisation et non de précepte. Par conséquent, L’autorisation donnée à ce sujet par quelques évêques ne peut nullement être invoquée comme imposant une obligation aux autres évêques ».

g) De plus, dans une notitiae du 27/07/2001 de la Congrégation pour le Culte divin, il est précisé que « même dans le cas où un évêque a accordé l’autorisation le prêtre a toujours la possibilité de ne pas prendre en considération ladite autorisation ». En clair, un prêtre ne peut pas se permettre de confier le service de l’autel à des filles lorsque la Conférence épiscopale n’a pas donné un avis favorable et lorsque son propre évêque n’a pas donné une autorisation. A l’inverse, il a le droit de s’y opposer même lorsque cela a été permis par son évêque.

 8/ Quel a été le contexte de la lettre de 1994 ?

 Une pratique qui se répand ne crée pas un droit et ne doit pas devenir nécessairement un modèle à suivre. La pratique des filles servantes d’autel s’est propagée avant le texte de 1994 au moment de la crise postconciliaire dominée alors par un climat de contestation par rapport à l’autorité de l’Eglise et à tout ce qui était héritage du passé. Il est permis de penser que celle-ci, non pour céder à une juste revendication mais plutôt pour éviter certaines tensions compte tenu de ce qui se faisait déjà ici ou là, a été obligé de composer avec la réalité et de permettre, nous l’avons vu avec des réserves et de façon très conditionnelle, l’accès des personnes féminines au service de l’autel. L’Eglise fait preuve de souplesse en permettant que cela soit possible mais cela ne signifie pas qu’elle souhaite que cette pratique s’étende davantage ni qu’elle s’installe définitivement. C’est l’esprit qui doit nous guider et non simplement la lettre. Un ministère n’est pas un DROIT mais un SERVICE. Tout ce qui relève des ministères n’est pas une question de droits à revendiquer mais de service et un service ne peut être imposé sous forme de pression revendicatrice.

9/ Discerner la volonté de l’Eglise en regardant aussi ce qui se fait à la chaire de Pierre et à la cathédrale

Il existe pour l’Eglise un autre moyen que l’enseignement pour faire connaître sa préférence. C’est celui de l’exemple donné lorsqu’elle agit au plus haut niveau. Pour en avoir connaissance, il suffit de regarder ce qui se fait liturgiquement à la basilique Saint Pierre à Rome, aux JMJ ou à l’occasion d’autres rassemblements internationaux en présence du Pape : les femmes, sauf exception, ne sont pas présentes pour le service de l’autel. De même, dans un diocèse, nous pouvons regarder ce qui se fait dans la cathédrale. Là aussi, les filles n’y remplissent pas la fonction de l’acolytat. Ce qui est pratiqué à Rome et dans la plupart des cathédrales est comme un enseignement du Pape et des évêques, adressé au Peuple de Dieu, pour lui indiquer un chemin à suivre.

10/ Ne pas favoriser la confusion au sujet du sacerdoce réservé aux hommes

 De nos jours, un certain nombre de personnes ne comprend pas que les femmes n’aient pas accès au sacerdoce. Il arrive que des catholiques contestent cette impossibilité au nom de l’égalité entre l’homme et la femme à tel point que Jean-Paul II a dû écrire en 1994 une lettre apostolique, Ordinatio sacerdotalis, pour rappeler que « l’Eglise n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes » et que « cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Eglise ». Le fait de voir des filles servir à l’autel peut être perçu comme une « ouverture » ou une « étape » en attendant d’aller plus loin. Cela peut nourrir la revendication de ceux qui souhaitent que les femmes puissent un jour être admises au sacerdoce. Il est possible aussi que la pratique du service de l’autel puisse faire naître chez une fille le désir d’être prêtre. Il ne faut pas blesser une petite fille, puis une jeune fille en laissant grandir en elle un désir dont on sait qu’il ne pourra pas se réaliser.  

11/ Il arrive que les filles prennent la place des garçons

A l’approche de l’adolescence, et même avant, les garçons d’une part et les filles d’autre part ont besoin de se retrouver entre eux et d’avoir des lieux propres pour se construire. C’est un âge de rivalité où les garçons ne se sentent pas toujours à l’aise en présence des filles. Le service de l’autel est précisément un lieu propre de construction pour le garçon. Néanmoins, le mélange avec les filles a eu pour résultat en certains endroits de faire fuir les garçons, les filles prenant alors leur place. On parvient ainsi à l’inverse du but recherché : permettre à de jeunes garçons, par le service de l’autel, d’entendre un éventuel appel à devenir prêtre. Pourtant, les vocations sacerdotales sont devenues rares et notre société malmène déjà beaucoup le rôle et la place de l’homme et du père. Si on veut favoriser l'éveil des vocations par le service de l'autel, il ne semble pas souhaitable de prendre le risque de mettre les garçons en concurrence avec les filles.

 12/ Suggestion

Avoir un rôle à tenir au cours de la célébration peut effectivement contribuer à ce que des filles se sentent plus concernées et cela peut les aider à participer à la messe dominicale. Les paroisses sont de plus en plus nombreuses à mettre en place un service spécialement pour les filles avec une appellation propre (« servantes d’assemblée », « servantes de Marie »), un lieu distinct dans l’assemblée et éventuellement une tenue particulière (cape). C’est une piste à approfondir …

13/ Quelle Eglise voulons-nous pour demain ?

Si l’on veut rester fidèle à ce que l’on reçoit de la Tradition, à savoir qu’il y a un lien entre le masculin, le service de l’autel, la prêtrise et les vocations sacerdotales (n°3,4,5), si l’on veut suivre la préférence exprimée par l’Eglise et respecter les normes qu’elle a édictées (n°6,7,8), si on se laisse enseigner par l’exemple donné par le Pape et les évêques, successeurs des apôtres (n°9) et enfin, si on veut éviter certaines conséquences ambigües ou préjudiciables (n°10,11), il devient assez évident qu’il n’est pas souhaitable d’encourager et de favoriser l’exercice du service de l’autel par les jeunes filles et qu’il est plutôt préférable de trouver d'autres moyens qui permettront une participation plus concrète des jeunes filles qui en manifestent le désir.

Stanislas GRYMASZEWSKI

 

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