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Eglise, vérité et humanité
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2 septembre 2015

DES LUMIERES PAS SI LUMINEUSES QUE CELA

  Tout est fait à l’école, et cela commence dès le CM1, pour inculquer aux jeunes français l’idée que les Lumières sont un modèle de tolérance, de justice et de vérité. Le mot lui-même, d’ailleurs peu utilisé avant 1945, n’est pas neutre. Il est particulièrement discriminant car il met de façon exclusive un courant de pensée en valeur, en rejetant dans l’obscurantisme et le fanatisme la pensée principalement combattue, à savoir le christianisme. Il y a là une prétention d’autant plus choquante que la connaissance qui est donnée aux élèves est gravement faussée. Les Lumières ne sont pas si lumineuses que cela et bien des dérives et des impasses dans lesquelles se trouve notre société y trouvent leur source.

 

  Commençons par la philosophie. Celle-ci, utilitariste, matérialiste, hédoniste, individualiste et mécaniste, ne croit pas à la liberté et à la dignité de l’homme. Voltaire : « Rien ne dépend de nous, nous sommes des horloges, des machines ». Diderot : « Le mot liberté est un mot vide de sens. Il n’y a point et il ne peut y avoir d’êtres libres, nous ne sommes que ce qui convient à l’ordre général, à l’organisation, à l’éducation et à la chaîne des événements ».

 

  Le regard sur l’homme peut en devenir méprisant. Celui-ci doit être conduit et guidé à son insu. Diderot s’est fait le théoricien de cette façon d’influencer les hommes : qu’ils ne s’en aperçoivent pas, qu’ils croient toujours qu’ils font ce qu’ils veulent alors qu’on les manipule. Même idée chez Voltaire pour qui on trouve « un être pensant sur cent mille bêtes brutes appelées hommes » et pour qui « l’homme est fait pour vivre en troupe comme les animaux de basse-cour ». D’après Rousseau, « l’état de réflexion est un état contre nature » et « l’homme qui médite est un animal dépravé ».

 

  L’éducation doit fabriquer l’enfant. Pour cela, on ne le laissera pas un seul instant livré à lui-même. Rousseau : « Qu’il croie toujours être le maître et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il n’y a pas d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté. On captive ainsi la volonté même ». Et Helvétius : « Il n’est rien d’impossible à l’éducation : elle fait danser l’ours ».

 

  La tolérance des Lumières est une curieuse tolérance. Les indignations de Voltaire sont sélectives. Il soutient des despotes en Russie et en Allemagne qui persécutent une partie de leur peuple. En fait, il ne faut pas avoir de religion pour mériter la tolérance. Il ne dit rien contre les violences subies par les catholiques anglais. Un catholique pratiquant et convaincu est considéré comme un fanatique et n’a pas droit à la tolérance. C’est au nom de la tolérance que l’on a guillotiné et fusillé pendant la Révolution. « Ecrasez l’infâme », écrit Voltaire à propos de l’Eglise, après avoir présenté Jésus comme « un Socrate dégénéré » et « un charlatan né de la lie du peuple ». La tolérance des philosophes recèle souvent une grande intolérance à l’égard de ceux qui ne pensent pas comme eux. Madame de Gratigny, à Cirey, disait à propos de Voltaire qu’il est peut-être « plus fanatique que tous les fanatiques qu’il hait ». Fanatisme de la Révolution elle-même avec son cortège de destructions et de crimes, la Terreur et le génocide vendéen. Lénine, Staline, Mao, Hitler, Hodja, Castro, Hô Chi Minh, Mengistu, Pol Pot ont trouvé une partie de leur inspiration dans ce qui s’est passé au cours de ces années « lumineuses » et … sanglantes qui ont suivi 1789 : faire un « homme nouveau » en détruisant le passé… Dans son livre, « Mémoire et identité », Jean-Paul II souligne le lien de causalité entre les Lumières et « les expériences dévastatrices du mal de l’époque contemporaine ». Rappelons enfin les paroles de Madame Roland, révolutionnaire gravissant les marches de l’échafaud : « Liberté, que de crimes on commet en ton nom ».

 

  Plusieurs auteurs des Lumières, y compris Montesquieu, ont propagé de nombreuses fantaisies sur l’Eglise, le Moyen-Age et l’Ancien Régime pour mieux asseoir l’idée de l’obscurantisme. La volonté de noircir le passé et de polémiquer les a souvent aveuglés et éloignés de la vérité, comme lorsque Voltaire dénonce le soi-disant fouet de Louis XIV ou encore le soi-disant droit de cuissage au Moyen-Age.

 

  Le mépris du peuple est fréquent sous la plume de ces penseurs « éclairés ». Chez Voltaire, « Il est à propos que le peuple soit guidé et non qu’il soit instruit, il n’est pas digne de l’être, il est nécessaire qu'il y ait des gueux ignorants ». A lui ne sont nécessaires qu’ « un joug, un aiguillon et du foin ». Rousseau : « Le pauvre n’a pas besoin d’éducation, celle de son état est forcée, il n’en saurait avoir d’autre ». La Chalotais : « Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s’étendent pas plus loin que ses occupations ». Philippon de la Madeleine exprime le vœu que l’usage de l’écriture soit interdit aux enfants du peuple. Gabriel-François Coyer propose de renvoyer les enfants du peuple des collèges de Paris à leurs parents et Le Chapelier refuse d’admettre ce qu’il appelle « les prétendus intérêts des ouvriers ».

 

  Autre mythe : celui du combat pour l’égalité et l’émancipation de la femme. C’est le Code Napoléon, héritier des Lumières, qui fera de la femme une mineure. C’est après la période des Lumières et non avant, que le statut de la femme va atteindre une telle situation d’infériorité. Rousseau : « La recherche des vérités abstraites et spéculatives, des principes, des axiomes dans les sciences, tout ce qui tend à généraliser les idées, n’est point du ressort des femmes. Leurs études doivent se rapporter toutes à la pratique ». Voltaire : « Quant à la supériorité de l’homme sur la femme, c’est une chose entièrement naturelle, c’est l’effet de la force du corps et même celle de l’esprit » et « Bien des dames sont comme vous savez, de grands enfants : le fouet et des dragées ». Benjamin Constant : « Il y a de moi à elle une telle supériorité qu’elle ne peut être qu’un amusement ». Diderot : « Les femmes semblent n’être destinées qu’à notre plaisir. Lorsqu’elles n’ont plus cet attrait, tout est perdu pour elles ». Mirabeau-Tonneau : « C’est un meuble de nuit dont le jour on ne sait que faire ». Proudhon : « la différence des sexes met entre l’homme et la femme une séparation de même nature que celle que  la différence des races met entre les animaux ». Helvétius : « La chasse des femmes comme celle du gibier doit être différente selon le temps qu’on veut y mettre ». Sade : « La destination de la femme est d’être comme la chienne, comme la louve : elle doit appartenir à tous ceux qui veulent d’elle ». Raynal juge les « vieilles femmes inutiles au monde ».

 

  Voltaire hait en l’homme l’image de Dieu, l’empreinte divine, la marque du Créateur : « Ô homme, ô homme qui oses te dire l’image de Dieu, dis-moi si Dieu mange, s’il a un boyau rectum ». Cette haine s’associe à une forme  de racisme. Voltaire : « Nos sages ont dit que l’homme est l’image de Dieu : voilà une plaisante image de l’Etre éternel qu’un nez noir épaté, avec peu ou point d’intelligence » et « Comment se peut-il qu’Adam, qui était roux et qui avait des cheveux, soit le père des nègres qui sont noirs comme de l’encre et qui ont de la laine noire sur la tête ». L’Encyclopédie, article Nègre : « si l’on s’éloigne de l’équateur vers le pôle antarctique, le noir s’éclaircit, mais la laideur demeure ». Raynal : « Les Hottentots tiennent quelque chose de la malpropreté et de la stupidité des animaux qu’ils conduisent ».

 

  Certains articles de l’Encyclopédie condamnent l’esclavage, mais d’autres peuvent le conforter : « Les hommes noirs nés vigoureux et accoutumés à une nourriture grossière trouvent en Amérique des douceurs qui rendent la vie animale beaucoup meilleure ». Il est vrai que Diderot et Voltaire gagnent beaucoup d’argent en investissant dans les compagnies de traite négrière.

 

  La virulence de Voltaire à l’égard des Juifs est vraiment démentielle. Sur 118 articles de son  Dictionnaire philosophique , on en trouve une trentaine qui attaque ce qu’il appelle la « horde hébraïque ». « Vous ne trouverez en eux, dit-il, qu’un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent ». Henri Labroue, en 1942, publie un Voltaire anti-juif en n’ayant aucune peine à rassembler 250 pages de citations antisémites destinées à apporter aux politiques racistes de l’époque la caution de notre auteur. Léon Poliakov, dans Le mythe aryen – Complexe, 1987- a montré que le rationalisme scientifique des Lumières constitue une des sources du racisme nazi.

  

   Pour approfondir : Xavier MARTIN, Voltaire méconnu : aspects cachés de l’humanisme des Lumières. 

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